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mes devoirs

29 octobre 2005

Vie religieuse et manifestations de l'esprit religieux dans les villes italiennes (mi XIIe siècle -mi XIVe siècle)

Selon Hervé Martin, la religion est « un système de représentations, de rites et de comportements organisant les échanges entre l’homme et le monde divin, permettant à chacun de penser l’invisible et sa propre situation dans le monde, lui donnant ainsi la possibilité d’agir symboliquement sur l’univers, par des prières et par des gestes rituels. ». Cette définition a le mérite de rappeler un fait important, la « vie religieuse et les manifestations de l'esprit religieux » ne concernent pas uniquement le monde des clercs. Les hommes et les femmes du Moyen-Age sont empreints de religiosité. André Vauchez va plus loin en affirmant que « parmi les analphabètes que furent la majorité des fidèles entre le huitième et le treizième siècle, certains ont eu une conception de Dieu et entretenu une relation avec le divin qui mérite le nom de spiritualité ». Le laïc n'est donc pas étranger à la religion et il convient de l'intégrer à notre étude.

De plus, H. Martin montre que la relation au sacré peut se comprendre principalement selon deux acceptions. D'une part, pour reprendre les travaux de Jacques Chiffoleau, comme une religion de l'intériorité, c'est-à-dire comme une religion personnelle voire intime qui s'exerce dans la prière et la méditation. D'autre part, la religion de l'extériorité qui se manifeste dans la collectivité, dans un espace ouvert, donc dans la visibilité.

A la lecture de notre sujet, nous pourrions penser que seule la religion de l'extériorité retiendra notre attention. En effet, le mot « manifestations » sous-entend une idée de collectivité, de visibilité de l'esprit religieux. Pourtant, il faut remarquer que l'homme du Moyen-Age ne se perçoit pas comme individu. Même dans l'intimité, son rapport avec Dieu incluera nécessairement ses proches et la communauté dans laquelle il vit, à savoir « les villes italiennes ». Cela est d'autant plus vrai dans la période observée puisqu'au départ les communes italiennes sont menacées par Frédéric Barberousse et qu'à la fin, les épidémies se repandent sur le territoire. Dans les deux cas, les murailles de la ville représentent une protection commode pour le citadin italien. Derrière celles-ci se dessinera une communauté de vie.

S'il est vrai que le système communal domine dans les villes italiennes entre 1150 et 1350, il ne faut pas en déduire une généralité. L'Italie ne possède pas un modèle de ville unique mais bien un visage polymorphe. Ainsi, la ville de Venise est régie par un doge qui est élu à vie alors que Milan est une monarchie. Cet aspect politique est à prendre en compte quand on aborde la vie religieuse en Italie. En effet, le Pape et les évêques sont également des seigneurs qui possèdent des biens temporels qui les éloignent des préoccupations purement spirituelles. Selon l'organisation politique des villes, cette gestion entraînera des heurts ou des rapprochements avec le monde clérical. Cet aspect politique du religieux va-t'il gangréné la religiosité des citadins italiens ? Autrement dit, à l'époque des conflits politiques, nés de l'essor économique, les villes italiennes sont-elles toujours le lieu de l'exaltation de la foi ?

Le traitement du sujet se fera en trois parties, en commençant par une analyse de la place tenue par les écclésiastiques dans les villes italiennes. Ensuite, nous examinerons les changements apportés par St François. Enfin, nous verrons si les läics adhérent à la religion telle qu'elle est présente dans le milieu urbain.

Il faut commencer par remarquer qu'historiquement, une cité est définie par l'existence d'un évêché. Si ce dernier n'existe pas, on ne peut pas parler de cité mais seulement de castrum ou d'agglomération. Au Ie et Ie siècle ap JC, l'Eglise avait crée des diocèses là où se trouvaient les municipes, c'est-à-dire des agglomérations dominant les campagnes environnantes. Au fil du temps, le phénomène religieux prit le relais des municipes. La présence des écclésiatiques dans la ville est donc ancienne. Physiquement, la présence cléricale est marquée par le nombre important d'églises et la présence d'une cathédrale. La place de la cathédrale reste primordiale dans les villes italiennes parce qu'elle est un lieu de rendez-vous centrale pour les citadins et un lieu de réunion pour le contio. A Sienne lors de l'ascension, le contado se retrouve à la cathédrale pour verser un cens et offrir un cierge à la ville. Notons que la cathédrale est également le lieu conservation des livres et des archives de la ville. Enfin, la cathédrale conserve bien souvent le monopole des baptêmes. Le fait que chaque citadin ait été baptisé dans une cathédrale renforce le sentiment d'appartenance à une communauté religieuse.

On peut ajouter que la présence de l'Eglise ne se cantonne pas à la présence d'un évêque dans sa cathédrale. Ce dernier est toujours entouré d'une vingtaine de clercs qui l'assiste dans la célébration des offices, entre autre. En outre, il faut compter les chanoines qui desservent les basiliques. Avec l'expansion urbaine, ces dernières qui étaient d'abord périurbaines sont peu à peu rentrer dans la ville. Les chanoines et d'autres clercs s'occupent également des écoles écclésiastiques, haut lieu de la culture.

Globalement, les écclésiasitiques sont bien intégrés dans les villes italiennes médiévales. Cependant, deux courants distendent les liens entre le clergé et la cité. D'abord, depuis la réforme grégorienne, le clergé se place en dehors et même au dessus du « monde » des hommes. Ainsi, dès le XIIIe siècle, les clercs ont des tribunaux spécifiques : les offficialités. Un écclésiatique entend pouvoir être jugé seulement par ses pairs. Notons aussi que les clercs possèdent leurs propres recettes fiscales et ce parce que leur budget n'a rien à voir avec celui de la cité. En réaction à ses privilèges que le clergé ne manque pas de mettre en avant, le populus exprime parfois son rejet de la cléricature et demande un retour à la pauvreté supposée des premiers chrétiens. Tel est le cas des Patarins de Milan qui au XIe siècle se réunissent autour d'une devise « l'unique voie menant à la perfection est la pauvreté volontaire ». Composé au départ du « peuple maigre », le mouvement est raipedement rejoint par les artisans et les bourgeois dont l'industrie est en pleine expansion. Tous ces hommes acceptent les dogmes de l'Eglise, ils s'indignent seulement des privilèges et possessions de l'Eglise alors qu'il existe de plus en plus de laiser-pour-compte. Les papes Nicolas II et Alexandre II ne remettent pas en question les privilèges de l'Eglise. A contrario, ils condamnent comme les Patarins comme hérétiques et font assassiner leur principal dirigeant, Arinald de Carinate. Après s'être développé en Lombardie et en Toscane, le mouvement des Patarins finit par disparaître non s'en avoir mis un coup à l'autorité de l'Eglise. Coup d'épée dans l'eau selon certains, les courants hérétiques n'en cessent pas moins de se répandre en France méridionale comme en Italie. Le catharisme et le valdéisme fissurent durablement les fondations de l'Eglise romaine. Il faut dire que les hérétiques appuyent là où ça fait mal en insistant sur les possessions démesurées de l'Eglise. Remarquons avec Pierre Racine que : « L'hérésie trouvait assurément un chemin favorable dans les milieux urbains d'autant que la richesse de l'Eglise aiguisait l'appétit de certains laïcs avides ou de mettre la main sur les biens de l'Eglise, ou de résister à la récupération des biens d'Eglise usurpés ».

Face aux hérétiques, Rome choisit l'autorité et la centralisation du pouvoir. Ainsi, le quatrième concile de Latran sanctionne toute dissidence. Qu'elle soit d'ordre religieux, politique ou culturel, l'hérésie devait être extirpée, anéantie par la force. Pour persuader les communes de collaborer à cette chasse aux hérétiques, le Pape Innocent III n'hésite pas à les menacer de l'interdit ou d'excommunication. Bien que très fortes, ces sanctions ne suffisent pas à dissiper les hérétiques du milieu urbain. Les menaces papales produisent même l'effet inverse car les villes entendent bien résister à l'ingérence du Pape dans les affaires communales. Finalement, seule l'Inquisition mettra un terme durable à la pensée cathare. Notons tout de même que les citadins s'insurgent parfois contre la violence excessive des inquisiteurs. Le valdéisme disparaîtra peu à peu, surtout parce qu'il pêche par excès en remettant en cause les dogmes de l'Eglise.

Finalement, de part sa cathédrale et ses clercs, l'Eglise est omniprésente dans les villes italiennes. De même, entre 1150 et 1350, alors que le pouvoir politique n'est pas toujours stable, l'Eglise apparaît comme une permanence aux yeux des citadins. Face au développement économique sans frein, ces derniers ont tendance à se tourner vers cette valeur-refuge, au point de voir dans l'ascétisme le plus sûr chemin de la grâce. De fait, cette communauté citadine est sensible aux arguments des contestataires, devenus hérétiques, qui soulignent la contradictions des clercs qui veulent en même temps être au dessus du monde des hommes et possèder les biens de ce monde.

Il faut souligner que dans les villes italiennes, les luttes entre les évêques et les communes étaient anciennes et continuelles (entre guelfes et gibelins). Ce terrain favorisa la percée des pensées hérétiques. Dans le même temps, le clergé constitué en caste a rompu et relâché les liens spirituels avec les fidèles. Les ordres mendiants permettront-ils de resserrer ces liens ?

Les citadins adhérant aux idées hérétiques veulent revenir à la pauvreté originelle des premiers chrétiens à une époque où le clergé s'écarte de ce chemin en accumulant les richesses. Pour ces derniers, le courant proposé par St François d'Assise va constitué une alternative envisageable. François veut, ce qui est tout à fait nouveau en au début du XIIIe siècle, vivre l'Evangile à la lettre. Alors que les villes ne cessent de se développer et de s'enrichir, il fustige le mode de vie de citadins pour faire l'éloge de la nature et des hommes qui la respectent. Pour autant, il ne quitte pas le milieu urbain pour fonder un monastère à proximité d'une forêt (comme à Cluny ou Fontenay) mais reste au coeur des villes. Le Pauvre d'Assisse affirme qu'il est possible de pratiquer la pauvreté évangélique sans être prêtre, sans quitter le monde. Son parcours personnel est une parfaite illustration de la cohérence de son propos. En effet, alors qu'il est voué à vivre en héritier fortuné et reconnu au sein de la cité d'Asssise, François décide de quitter ses habits de luxueux. En 1208, il rompt avec son père, un riche marchand drapier, afin de consacrer son existence à la pénitence. Seulement deux ans après, il fonde un ordre urbain que le pape reconnaît, au moins oralement. L'idée de refuser de possèder des biens propres ou en commun est tellement novatrice que certains observateurs la qualifie de « révolutionnaire ». Doit-on retenir ce qualificatif pour la pensée du Poverello?

D'emblée, il faut remaquer que l'idée de vivre sans possession propre n'est pas nouvelle. Nombreux sont les moines qui font voeu de pauvreté. Dès le Ve siècle, Benoît encourage à devenir humble par rapport aux biens temporels en se référerant à la Bible : « L'homme qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé » (Luc 14, 11). Sans inventer la pauvreté évangélique, François l'applique également à son ordre. Si chaque franciscain ne possède rien, tous les franciscains doivent en faire de même et vivre dans l'errance et selon le bon vouloir de la charité des hommes. On peut en conclure avec André Vauchez que François rompt « sans fracas mais en profondeur, le lien étroit qu'il existait entre l'état religieux et la condition seigneuriale ». Il répond ainsi aux attentes des citadins italiens. La pauvreté intégrale des franciscains touche d'autant plus les citadins que le contexte est celui de la croissance et de la prospérité. Il est évident que dans une période de famine et de disette, la parole de François aurait beaucoup moins portée. Notons enfin que les dominicains, d'autres mendiants influents dans l'Italie médiévale, prônent également une pauvreté absolue. Les dominicains sont sans cesse sur les routes pour semer la Bonne parole et n'ont pas d'attachement aux biens temporels ; seul compte le prêche (ils sont d'ailleurs appelés « frères prêcheurs »). Toutefois, dans les faits, les Prêcheurs ont quelques fois mis en sourdine cette règle de pauvreté absolue et acceptés de recevoir des terrains ou des églises en héritage. Tel n'est pas le cas des franciscains. Si ces derniers partagent l'idée de pauvreté absolue, ils en sont les adeptes les plus fervents.

L'autre innovation énoncée par François est la volonté de prêcher, semer la parole du Christ, en utilisant la langue du peuple italien ou plus généralement la langue comprise par les hommes, la langue vulgaire. Dans le Cantique du frère Soleil, qu'il a rédigé en italien, François démontre que les chants et les prières dits en langue vulgaire sont une vénération de Dieu, qui comprend toutes les langues. Indéniable innovation à une époque où les clercs énoncent les messes en latin, cette décision n'en est pas moins pragmatique. D'abord, François choisit la langue vulgaire parce que lui même ne maîtrise pas parfaitement le latin. Ensuite, ce choix est pastoral : le message des Evangiles passent mieux en utilisant la langue utilisée par les hommes. Les dominicains partagent avec les franciscains cette envie de « parler de Dieu » mais les premiers utilisent bien volontiers le latin ce qui n'est pas le cas des seconds. Il faut garder à l'esprit que les dominicains sont un ordre de docteurs. Ils prêchent de villes en villes mais surtout de villes universitaires en villes universitaires. Dans leur grande majorité, les Prêcheurs sont des prêtres qui n'hésitent jamais à évoquer des passages complexes des Ecritures dont ils sont des spécialistes. Les franciscains ont sans doute une prédication plus pénitentielle et reccourent beaucoup plus volontièrement à l'usage de la langue vulgaire. Cet usage amène un rapprochement entre la culture profane et la culture religieuse, il donne un visage plus humain aux textes religieux ; et par là même semble « révolutionnaire ».

Seulement, que ce soit en matière de pauvreté ou de prédication, les franciscains ne sont pas unanimes. L'historienne Agnès Gerhards fait remarquer que « l'ordre rejette parfois son fondateur alors qu'il est toujours vivant ». Les franciscains seront durablement divisés entres les spirituels et les conventuels. Les seconds sont prêts aux compromis par rapport à l'idéal de pauvreté voulu par le Pauvre d'Assise. La crise entre les deux courants s'avère plus grave qu'il n'y paraît pour la simple raison que l'ordre dépend directement de la papauté. Si le pape Célestin V choisit de tempérer cette divison en permettant aux spirituels de former des congrégations de pauvres ermites, tel n'est pas le cas de Jean XXII qui décide que les franciscains sont propriétaires de leurs biens fonciers et ne peuvent donc pas se dire mendiants. Certains spirituels n'entendent pas sacrifier l'idéal de leur fondateur et beaucoup se rebellent en formant « les fratricelles ». Le Pape ordonnent de les arrêter, ce qui les obligent à quitter les villes pour se réfugier dans les montagnes. Avec eux, la pauvreté absolue chère à St François quitte les villes italiennes, au début du XIVe siècle ; pour un temps au moins.

En plus de ce schisme entre les franciscains, il faut signaler la place des clarisses dans l'ordre. Il est indéniable que sainte Claire est la soeur spirituelle de saint François et pourtant ces adeptes ne sont pas sous l'influence masculine de l'ordre de « minor ». Pis, les clarisses possèdent plus de trois cent maisons, ce qui rompt avec l'idée de pauvreté prêchée par St François. En 1263, Urbain IV cherche à unifier les clarisses avec cinq règles successives, sous le nom d'ordres de sainte Claire : sa Règle autorise la propriété et comporte un quatrième voeu de clôture perpétuelle qui se répand dans les couvents de clarisses au XIVe siècle. Il existe donc bien une voie féminine qui est propre aux franciscains. En effet, si les dominicaines existent, elles sont rattachés au même ordre que celui des frères.

Finalement, il faut retenir que les ordres mendiants ont resseré les liens entre l'Eglise et les fidèles citadiens des villes italiennes. Les dominicains comme les franciscains apportent un renouveau dans la piété comme dans la spiritualité en insistant entre autre sur la parole et la prédication. Par ailleurs, les franciscains répondent à leurs attentes de retour à la pauvreté des premiers chrétiens. Mieux, les frères mineurs en utilisant l'italien amène une osmose entre la culture profane et la culure religieuse. Doit-on en déduire qu'il existe en Italie une religion citadine ?

Ne serait-ce que par le nombre des clochers, nous pouvons affirmer que la pratique religieuse n'est pas la même à la ville et à la campagne. Dans l'Italie du Moyen-Age, cette différence semble plus prégnante. D'abord, dans toutes les villes d'Italie, le culte du saint protecteur rassemble les dignitaires politiques et religieux, et ce quelles que puissent être les tensions entre guelfes et gibelins. Le culte du saint amène une période de trève dans les discordes. Les citadins communient autour de saint Marc à Venise ou de saint Jean à Florence. Constatons avec Pierre Racine que dans les villes italiennes « le système politique était en mutation mais l'esprit civique municipal n'était pas mort et ce qui avait été « la religion civique » communale a été souvent appelé à durer ». Mais, est-ce vraiment une spécificité des villes italiennes de rendre un culte au saint patron ? Notons que le lieu du martyr d'un saint n'est pas forcément situé dans une ville. Citons, parmi tant d'exemples, le cas de saint Andoche qui meurt à Saulieu, un petit village bourguignon. Le saint en question est devenu le saint patron du village et tous les ans, une messe et une foire lui rendent hommage. A Tende, dans l'Italie du Nord, les villageois se retrouvent autour de saint Eloi. Il est vrai que les tensions entre guelfes et gibelins n'existent pas ou peu dans les villages mais il est probable que d'autres tensions politiques soient identifiables et que celles-ci soient gommées le jour du culte rendu au saint patron. En revanche, pour la première fois de simples laïcs provenant des villes italiennes vont devenir des saints. Tel est le cas de St François d'Assise ou encore de Ste Catherine de Sienne.

Ce qui est plus surprenant et qui marquent les siècles observés c'est la volonté de groupes de laïcs d'avoir une vie religieuse plus active, plus complète et plus fervente. Ainsi les Pénitents italiens du XIIe et XIIIe siècle se fixent pour objectif de suivre les enseignements mais aussi la vie du Christ, sans sortir du monde. Autrement dit, les Pénitents exercent généralement une activité professionnelle et sont mariés. La seule distinction par rapport aux autres citadins est la volonté de « faire pénitence », c'est-à-dire de se repentir pour les pêchés commis. Il existe de nombreuses communautés de pénitents avec des programmes -et non des règles - divers et variés. La plupart d'entre-eux refusent de porter les armes, ce qui provoquera des conflits avec les communes italiennes où le service militaire est obligatoire. Ces dernières, influencées par le Pape et les évêques qui protègent les pénitents, finiront par instituer une sorte de service civil. Forme extrême de pénitence, les flagellants se battent l'épaule droite jusqu'au sang afin d'éloigner les fléaux de la ville. Ils s'identifient au Christ qui porta sa croix sur l'épaule droite et en fut blessé. Jusqu'ici la flagellation restait pratiquée dans un cadre restreint, les flagellants introduisent l'idée d'une mise en scène de cet acte de pénitence. Pour encadrer cette obscure pratique, l'Eglise romaine place le mouvement des flagellants sous le contrôle des ordres mendiants. Il faut constater qu'une telle pratique entraînait bien souvent des vagues de ferveur promptes à dissiper tout types de conflits urbains. Parti d'Italie, le mouvement des Flagellants gagne l'Autriche, la Hongrie, la
Pologne, puis l'Allemagne. Les villes italiennes sont donc le berceau d'un mouvement de laïcs souhaitant vivre intensément la religion.

Seulement, il ne faudrait pas croire que ce mouvement concerne tous les laïcs. Aussi importantes furent-elles, les cohortes de flagellants ne rassemblent que quelques centaines de confraternels. Cet ordre de grandeur est à ramener au quinze mille habitants que compte approximativement la ville de Plaisance par exemple. Par ailleurs, la volonté des laïcs de vouloir être plus actif en matière de religion n'est pas nouvelle. Ainsi, après la mort de saint Louis à Tunis, une bande de pastoureaux décida de repartir en croisade même sans l'appui des chevaliers et des clercs. Ce qui est nouveau dans l'Italie des XIIIe et XVIe siècle, c'est l'apparition d'une troisième voie, d'un statut intermédiaire entre celui de clerc et de laïc : un Tiers ordre. Il faut signaler que dans cette voie s'engagent beaucoup de femmes qui veulent vivre religieusement sans forcément prononcer de voeux. Parmi de nombreux exemples, citons celui de Ste Catherine de Sienne. A l'âge de quinze ans, elle revêt l'habit des sœurs de la Pénitence de Saint Dominique (les Mantellate). L'origine de ce groupement remonte à saint Dominique qui avait réuni et organisé des laïcs en une milice chargée de récupérer et de défendre les biens de l'Eglise usurpé par des laïcs et de résister aux hérétiques. Les Soeurs de la pénitence de saint Dominique à l'époque de Ste Catherine ne réunissait normalement que des veuves, mais avait la permission d'entendre les Offices dans les églises des Frères Prêcheurs.

Au final, à parler convenablement, on ne peut pas dire qu'il existe de religion citadine. La religion civique n'est pas spécifique aux villes puisque le culte des saints patron existe également dans le monde rural. En revanche, il existe bien une religion laïque issue des milieux citadins. Ces hommes et ses femmes laïcs réclament et obtiennent de pouvoir se consacrer à Dieu sans nécessairement se couper du monde.

Pour conclure, nous pouvons dire que les villes italiennes n'ont jamais cessé d'être le lieu de l'exaltation de la foi, entre 1150 et 1350. Evidemment, nombreux sont les citadins qui reprochent au clergé ses richesses et le luxe qui l'entoure. Mais au lieu de se détacher de la religion, ils adhérent aux courants qui incitent à une pauvreté évangélique. Après les hérétiques, les prédicateurs mendiants leur apporteront les réponses qu'ils attendent. En plus d'offrir une dose nouvelle de piété, les mendiants ont l'immense avantage d'être reconnu par l'Eglise romaine. Cette dernière n'aura de cesse d'user d'interdit et d'excommunication contre les hérétiques, ce qui relance les frictions avec les communes qui, une fois de plus, n'entendent pas se faire dicter leur conduite par le Souverain pontife. Après 1233, les dominicains épaulent la papauté dans cette chasse aux hérétiques en participant à l'Inquisition. Au fil des années, la vertu de pauvreté absolue tend à disparaître même si quelques fratricelles résistent. Les citadins n'en sont pas pour autant moins fervents. Ils choisissent une troisième voie permettant de se consacrer au Christ sans forcément devenir clerc. Au coeur de cette religion laïque les femmes occupent une place importante. Avec les autres pénitents, elles partagent la volonté de façonner leur propre salut.

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